“S’il n’en reste qu’un je serai celui là”, chantait Eddy Mitchell en 1966, quand on l’accusait d’être déjà démodé et has been. Il faut croire que le Niva a suivi cette maxime Mitchellienne, tant lui non plus, n’a jamais trouvé de successeur. Aujourd’hui le Niva qu’il convient d’appeler “4X4” si on se trouve en présence d’un avocat de GM, est le dernier vrai 4X4 de franchissement, au point de devenir une légende roulante. En 40 ans de carrière, on a voulu le tuer cent fois. Mais le Niva sera encore là dans 10 ans (lire aussi : Lada Niva).

Le prototype du Niva en 1973
En avance sur son temps
Quand l’étude de ce qui deviendra le Niva est lancée, tout porte à croire que le 4X4 russe ressemblera à une Jeep Willys comme tous les 4×4 à travers le monde. On doit cette ligne inimitable et ce concept révolutionnaire pour l’époque à deux jeunes russes. L’ingénieur Piotr Prussov et le styliste Valeri Semushkine créent quelque chose de nouveau en couplant les capacités tout terrain d’une Jeep avec une carrosserie couverte de berline. Leur concept original fut rejeté aussitôt par la direction de l’usine, qui préférait la vision plus traditionnelle des ingénieurs senior. Indigné, Prussov fit une demande écrite pour être libéré du projet, ce qui ne se faisait pas trop dans l’URSS des années 70. Finalement, le chef du bureau d’étude de Avtovaz, Vladimir Soloviev prit finalement le parti des deux jeunes ingénieurs. Restait encore à convaincre les hautes instances du parti, ce qui ne fut pas une mince affaire.
A sa sortie, le concept fait mouche et chez Lada on va se servir de ce véhicule en avance sur son temps pour conquérir le monde. En France, il fera le bonheur et la fortune de l’importateur Poch. Le Niva sera pendant 2 décennies le 4×4 le plus vendu en France (lire aussi : Jacques Poch).

La Saint Tropez, une série spéciale comme les aimait Jacques Poch, importateur Lada en France
Evolutions
Depuis son lancement, en 1977 on a l’habitude de dire du Niva qu’il n’a pas changé. C’est exact si on le compare à un Mercedes G, revu maintes fois de fond en comble, mais le Niva reçu tout de même quelques mises à jour ainsi que de grosses évolutions. En 1985, 8 ans après son lancement, il reçoit une boîte à 5 rapports. Il faut attendre 1994, pour que le vieux bloc d’origine Fiat cède sa place à un 1700 cm3, avec en Europe et au Canada une injection monopoint d’origine GM, suivie en 2000 d’une injection multipoints. Le Niva reçoit une nouvelle planche de bord et un nouvel hayon. Une version diesel avec le 1.9 litres d’origine Peugeot est commercialisée de 1993 à 1998 puis le Turbo D sur certains marchés à partir de 2001.

Lada 4×4 Urban, encore aujourd’hui stylistiquement à la page
En 2009, Lada présente la version M (comme modifications). Rendue obligatoire par les normes européennes, cette version en profite pour améliorer 250 points sur le véhicule même si le style est à peine revu. Le Niva reçoit même l’ABS et la climatisation ! Le plus gros restylage arrive en 2014 avec l’apparition de la version Urban.
Tentatives de remplacement
Chez Lada, on est réputés pour faire du neuf avec du vieux mais aussi pour faire trainer le remplacement des vieux modèles. Pourtant dès le début des années 80, on commence à réfléchir et à étudier celle qui devra tôt ou tard remplacer ce modèle vieillissant étudié dans les années 70. La légende dit que les Japonais de Suzuki offrirent une brochure du nouveau Suzuki Vitara à Piotr Prussov, concepteur du Niva avec ces mots “Merci au parrain de notre voiture”. Le Lada n’était plus seul et une vague de petits 4X4 japonais envahissait tous les pays.

Prototype refusé pour le remplacement de la Niva au début des années 80
Un premier prototype, destiné à remplacer le Niva est présenté à la direction, sans aucune suite. En 1986, chez Avtovaz, on vient de sortir la Samara et les bureaux d’étude de la marque sont à nouveau disponibles pour créer une descendante au rustique franchisseur. Le prototype est très moderne, loin des lignes du Niva mais les procédures sont longues, les décisions mettent des années à tomber et surtout le rythme à Togliatti n’est pas le même que dans l’industrie européenne ou japonaise (lire aussi : Togliatti). Ce “SUV”vous rappelle quelque chose ? En effet, il semblerait que ce dessin ne fut pas perdu pour tout le monde, tant il ressemble au Honda CRV “Joy machine” qui sortira quelques années plus tard. 10 ans après son lancement, le Niva a déjà tué deux successeurs potentiels.
2123, successeur ou presque
Au début des années 90, la marque connaît une vraie traversée du désert. Premièrement la chute du mur provoque un véritable séisme dans l’entreprise, le marché européen se met à bouder les produits Lada, faute de renouvellement. Pire, les modèles censés renouveler la gamme sont repoussés d’années en années à l’image de la berline 2110 qui mettra des années à être industrialisée. Pourtant on continue à chercher un remplaçant au Niva. Ce sera le 2123, mais à quoi doit il ressembler ?

Première maquette de ce qui deviendra le 2123 dans le courant des années 80 (en haut) et premier proto du 2123 dans les années 90 (en bas)
Les grandes lignes du projet 2123 ont vu le jour lors d’une réunion au centre de style le 17 novembre 1987. Cela ne signifie pas pour autant que les lignes du New Niva étaient figées. En août 1991, l’usine commande un projet “pour le développement d’un véhicule à quatre roues motrices VAZ-2123. Le projet doit être terminé pour le premier trimestre 1992, délai impossible à tenir. L’objectif est simple, moderniser l’apparence du Niva tout en conservant ses capacités de franchissement. Les réunions se succèdent, on étudie plusieurs pistes ambitieuses mais finalement le budget aura raison de toutes ces coûteuses solutions. Le Niva 2123 reprendra le châssis, le moteur et la transmission du Lada 2121. En 1994, le style est figé et validé par le bureau de direction d’Avtovaz et un premier proto avec toutes les spécifications définitives est présenté le 27 janvier 1995. Chez Lada on annonce une mise en production d’ici 1998 avec 90 000 voitures par an dès 2000. Cette fois c’est certain, nous allons assister à la fin du Niva original après plus de 20 ans de carrière.

Le 2123 devait remplacer le Niva, il n’en sera finalement rien et prendra le nom de Chevrolet Niva
Si effectivement la production est lancée, c’est au compte goutte et seulement dans l’atelier OPP destiné à produire des petites séries (lire aussi : Lada 2123 et Chevrolet Niva) Les mois passent et chez Lada on est bien incapables d’assumer seul l’industrialisation du nouveau Niva. Un accord est trouvé avec General Motors et une coentreprise est crée sous le nom de GM-AVTOVAZ. Le nouveau Niva sera produit par cette entité, dans une usine financée par les américains. Première conséquence, le nouveau Niva sera vendu sous le nom Chevrolet Niva, deuxième conséquence, rien ne presse pour retirer l’original des lignes d’assemblage. On se dit que le Niva original, rebaptisé 4×4 va finir tranquillement sa carrière. En attendant il termine le siècle avec toujours autant de succès.

En 1995, Lada imagina le Bora, sans suite
Elevé au rang de légende roulante
D’année en année le Niva original reste au catalogue et devance même le Chevrolet Niva, censé le remplacer, en terme de ventes. Quand Renault prend le contrôle de Lada en 2007, ils récupèrent le bébé. Le franchiseur est rentabilisé depuis au moins 25 ans, la demande est soutenue, rien ne presse. Il faut réorganiser l’entreprise, tout repenser de fond en comble, développer une nouvelle gamme. Chez Lada, on sort les Kalina 2, les Granta, la Largus, puis les modernes Vesta et X-Ray. La marque est sauvée, sous l’impulsion d’un nouveau patron Suédois aux méthodes musclées (lire aussi : Bo Anderson).

De nombreux projets défileront chez Lada, sans convaincre
Dans le Business plan Lada 2020, il est écrit noir sur blanc que le 4X4 sera remplacé par un tout nouveau modèle d’ici…2014. En 2017, non seulement il est toujours produit mais on célèbre ses 40 ans avec une série spéciale. L’occasion tout de même de communiquer sur l’avenir. Un nouveau modèle arrivera en 2018 et l’actuel Niva ne sera plus modernisé d’avantage d’ici là. Quelques mois plus tard la date de remplacement annoncée passe à 2021…

Diverses proposition de « remplacement » du Lada par des designers en herbe ou chevronnés
Un Duster Bis ?
En Russie, la succession du 4X4 prend des allures de cause nationale. On évoque un modèle basé sur la plate forme du Duster ou du Captur et tout le monde s’indigne. Des images de maquettes apparaissent sur la toile, et tout le monde y va de son avis. De toute évidence, il sera très compliqué de succéder au Niva. Si toutes les fuites étaient des ébauches créés par des apprentis photoshopeurs ou par des apprentis designers, les vraies propositions se succèdent chez Lada et sont toutes refusées les unes après les autres.

Steeve Martin et le X Design cher à Lada aujourd’hui
Steeve Mattin, responsable du style Lada et papa des X-Ray et Vesta, se confiait il y a peu sur ce challenge : “Succéder à une telle légende sera difficile. Le Niva possède un ADN très fort avec des spécificités qu’il faudra conserver. La position des clignotants par exemple est unique, le profil également. Mais il faudra incorporer ces marqueurs du Niva original dans le X design de la marque.”

Le 4×4 Urban a encore un avenir devant lui, au moins jusqu’en 2027
Alors, impossible à remplacer le Niva ? Nicolas Maure, l’homme de Renault, devenu PDG de Lada l’a peut-être entendu. Il a en effet déclaré il y a quelques jours qu’un nouveau modèle arriverait en 2021, mais que le Niva original ne prendrait pas sa retraite. Il continuera d’être produit au moins jusqu’à 2027, date de son 50ème anniversaire. Mieux, le prochain salon de Moscou verra apparaître un nouveau restylage de la star Russe. On évoque un nouvel aménagement intérieur, voire même un nouveau moteur. De quoi tenir encore très longtemps… En 2017, les ventes de Lada 4×4 ont augmenté de 6,7%.