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Mahindra Roxor : un indien à la conquête de l’Amérique

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Une ligne inimitable issue de la légendaire Willys, un constructeur dont l’histoire remonte à 1945, des origines militaires, je suis, je suis…. Mahindra ! En cherchant des infos sur la dernière Wrangler, Niko est tombé sur la dernière nouveauté du constructeur Indien. Si vu de chez nous, le Roxor peut paraître modeste, vu d’Inde c’est la première pierre d’une offensive minutieusement pensée et préparée pour le marché américain.

Mahindra et Jeep, une histoire commune

Je vous vois venir, vous vous dites en voyant la photo du Roxor qu’il s’agit ni plus ni moins que d’une copie de la célèbre Wrangler. Vous avez raison, il s’agit même, pour être précis (nous sommes sur Boîtier Rouge tout de même) d’une réplique quasi parfaite de la CJ-5. Mais finalement tout cela est presque logique et trouve même un fondement historique.

Remontons le temps jusqu’en Octobre 1947. Mahindra & Mahindra importe un lot de 75 Jeep CJ2A. Il s’agit de la Jeep Willys, ou plutôt de sa première version civile produite en grande série, les CJ1 et CJ2, versions civiles de notre libératrice n’ayant pas dépassé la petite série. Cette version CJ2A reçoit une calandre à 7 fentes au lieu de 9 et des inscriptions Willys un peu partout. Mahindra fait donc ses débuts dans l’automobile comme importateur !

La Willys connaît le succès et si on a aucun mal à les écouler, du côté de chez Mahindra on se dit qu’il serait sûrement plus efficace et lucratif de les assembler sur place. En 1949, un accord est conclu avec Willys Overland Export  Corporation pour importer la Willys en CKD. Les Jeep CJ3A arrivent en kit et sont assemblées sur place avec 90 % de pièces américaines. A partir de 1954, Mahindra achète la licence. La Jeep sera entièrement fabriquée en Inde, c’est le vrai début pour Mahindra qui devient un vrai constructeur. Au fil des années, la base Jeep est modifiée, adaptée, à toutes les sauces Indiennes pour finir par s’en démarquer lentement avec l’apparition de modèles propres à la marque développés en interne.

L’Indian Chief, produite dans les années 90, est encore très proche d’une Jeep

Ainsi les Bolero, Scorpio, etc envahissent la gamme en parallèle du MM540, toujours dérivé de Jeep. Mais au moment de remplacer ce dernier, Mahindra reste fidèle à ses origines en dévoilant le Thar, un sosie parfait de la Wrangler. Volonté de respecter l’héritage de la marque ou volonté de copier et de profiter de l’image du lointain ancêtre américain ? Je vous laisse juge mais cela explique la ressemblance du petit dernier, le Roxor, avec un Wrangler de la gamme Jeep. D’un point de vue historique, Mahindra et Jeep sont aussi crédibles l’un et l’autre dans l’héritage de la Willys. Les histoires d’héritages des stars c’est toujours compliqué et loin de moi l’idée d’allumer le feu sur celui ci.

La Bolero (en haut) et la Scorpio/Marshal (en bas) s’éloignent du modèle original

Le petit importateur de Willys est devenu un groupe de taille mondiale qui pèse 19 milliards de dollars et investit dans des secteurs aussi différents que l’agriculture, la mobilité, l’éducation, les services financiers, le tourisme, l’agro-industrie, l’acier, la défense etc, tout en employant plus de  200 000 personnes dans 100 pays. Mahindra a aussi racheté la branche scooters de Peugeot en 2014 (lire aussi: Mahindra s’offre les scooters Peugeot), et a un temps été pressentie pour reprendre Saab (lire aussi : Mahindra va-t-il racheter Saab ?). Enfin, Mahindra produit aussi une étrange version de la Dacia Logan à l’arrière tronqué, appelée Verito Vibe (lire aussi : Mahindra Verito Vibe). Sur le marché automobile mondial, la marque poine au 26ème rang entre Isuzu et FAW et a de grosses ambitions, notamment sur le marché nord-américain pour sa marque mais aussi celle qu’elle a racheté, le coréen SsangYong.

Le Thar, en production depuis 2010, joue ouvertement la carte de la filialtion Jeep

L’amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai

Mahindra aux USA c’est déjà une longue histoire et même un serpent de mer. Depuis 1994 le groupe est présent avec sa filiale matériel agricole mais jamais on y a vendu de véhicules particuliers. En 2010, un Cubain vivant à Atlanta annonce commercialiser la marque sur le marché américain. Il collecte 15 millions de dollars d’acomptes venant des 4 coins du pays et s’évapore dans la nature sans jamais avoir livré le moindre véhicule. Nous vous parlerons prochainement plus en détail de cette histoire d’importation aux USA d’Aro, autre constructeur de 4×4 dont le destin sera intimement lié à cet homme.

Après cette tentative catastrophique, Mahindra ouvre un bureau à Détroit en 2013, une sorte de base avancée destinée à observer le marché et réfléchir. MANA (Mahindra Automobile North America) est née. On implante donc dans le Michigan près de Detroit une usine ainsi qu’un centre de recherche et développement, devenant le premier constructeur à s’installer à Detroit depuis 25 ans. Aujourd’hui Mahindra emploi plus de 400 personnes sur le site. Mais après cette période d’apprentissage et d’observation, les ambitions sont revues à la hausse. L’indien va attaquer l’amérique. A sa façon.

Une stratégie décalée, « indien vaut mieux que deux tu l’auras »

Ce qui ressort de toutes les études de marché menées à cette période aussi bien pour Mahindra que Ssangyong c’est que la partie est loin d’être gagnée, voire même impossible. Au lieu d’attaquer le marché américain par la face nord, on va contourner la difficulté en faisant autrement, tout simplement.
Pour construire quelque chose de solide il faut de solides fondations et ces fondations vont prendre la forme d’une incroyable opportunité. Le développement du business sur internet a une conséquence directe : il faut de plus en plus de camions et de petits véhicules de livraison pour livrer tous les colis. La flotte de l’US Postal n’est plus adaptée, l’entreprise décide donc de lancer un gigantesque appel d’offre pour renouveler ses véhicules urbains de livraison.

Mahindra débauche alors une centaine d’ingénieurs chez Tesla, Ford, Apple, Freightliner ou Toyota et les fait plancher sur un véhicule de livraison capable de répondre au cahier des charges du postier américain. Au terme d’une bataille sans pitié, 3 constructeurs sont retenus, parmi lesquels Mahindra. Pour l’instant on ignore si le gâteau sera partagé en 3 ou si un seul constructeur décrochera le pompon mais chez Mahindra on semble très optimistes. Il faut dire que le deal consiste à fournir 180 000 véhicules en 20 ans pour un total de 20 milliards de dollars. De quoi financer la conquête du marché américain de l’automobile.

Le Roxor, petit 4×4 produit par Mahindra dans le Michigan pour le marché Off-road US

En attendant une telle éventualité, la seconde partie du plan Mahindra aux USA consiste à proposer une gamme de véhicules sans concurrence. Plutôt que d’affronter les Big Three frontalement, on va contourner le problème en créant un nouveau créneau. La nouveauté Roxor est un 4×4 reprenant tous les codes du genre, allant jusqu’à singer la reine du secteur, la Jeep Wrangler mais il sera vendu uniquement en véhicule off-road. Sans crash tests ni airbags, le Roxor ne répond pas aux normes routières mais avec ses filets latéraux et sa cage de sécurité, il répond aux normes de sécurité des véhicules off-road édictées par la Recreational Off-Highway Vehicle Association (ROHVA). Concrètement , il s’agit de la catégorie des SXS ou des VTT (véhicules tout terrain) comme on les appelle au Canada. Une catégorie allant du quad agricole au véhicule sportif destiné à s’amuser dans la boue.

Mahindra Roxor, fils de personne

En résumé le Roxor est un petit 4×4 pur et dur, copie d’une Jeep CJ5 et dépendant de la réglementation d’un quad Polaris par exemple. D’ailleurs il sera amusant d’observer que si les Jeep ont 7 fentes dans leur calandre, le Mahindra devra se contenter de 5 fentes au dessin différent, le design de la calandre Jeep étant déposée par le géant américain. Dévoilé le 2 mars aux USA, il porte tous les espoirs du constructeur Indien. Le marché du véhicule de loisir off-road est beaucoup plus grand aux USA qu’en Europe. Dans certains états il n’est pas rare en effet de parcourir plusieurs dizaines de kilomètres entre deux routes en bitume. Les loisirs mécaniques sont également beaucoup plus développés et le Roxor pourra également faire office de tracteur ou du moins de véhicule multi-tâches.

Les dimensions du Roxor justifient d’ailleurs ces utilisations. Si il est quasiment aussi grand qu’une Wrangler 2018 avec 3,8 mètres contre 4 mètres et que son empattement est identique, la carrosserie est nettement plus étroite avec 1,57 m  contre 1,87 m. Une caractéristique qui plaira aux amateurs de gros quads habitués à évoluer dans des chemins ou forêts. Pour plaire à l’acheteur américain il sera assemblé dans les installations de MANA à Auburn Hills, Michigan. Son moteur est un 4 cylindres turbodiesel de 2,5 litres développant 62 chevaux. Cela peut paraître modeste mais sachez que la vitesse de ce type d’engins est limitée et que le Mahindra ne dépassera pas les 70 km/h. Jumelé à une boîte de vitesse manuelle à 5 rapports et une boîte de transfert qui permet de passer manuellement de 2 à 4 roues motrices, le gros turbo diesel permettra au Roxor de passer partout sur le couple. Contrairement à un gros quad ordinaire, la Mahindra Roxor peut tracter jusqu’à 1583 kilos, ce qui en fait une proposition unique sur le marché. Mahindra, pour percer aux USA, a créé un créneau.

Quel avenir ?

La commercialisation du Roxor commence ce mois ci à travers les états unis et le Canada. Le réseau de revendeurs sera distinct de l’actuel réseau Mahindra distribuant les tracteurs. Au cours des 4 derniers mois 215 concessionnaires américains ont rejoint le réseau naissant. On ignore si le Roxor connaîtra le succès ou non. Mahindra a décidé d’embaucher 400 nouvelles personnes et d’investir 600 millions de dollars pour développer la gamme de véhicules de loisirs. En cas d’échec sur le marché des SXS, nom donné aux véhicules allant du Quad aux 4×4 non homologués sur la route, Mahindra s’en remettra et pourra plier bagage discrètement ou se rabattre sur le matériel purement agricole.

En cas de succès, on peut facilement imaginer la suite. Fort de sa présence dans les campagnes avec des véhicules ludiques et se démarquant, le constructeur pourrait se servir de ce marché comme d’une tête de pont pour se lancer sur le marché auto, avec une de des deux marques Mahindra ou Ssangyong. Enfin, en cas de succès de l’appel d’offre de l’US Postal, Mahindra pourrait en profiter pour mettre à profit cette visibilité à chaque coin de rue pour développer une gamme d’utilitaires. On peut même imaginer une gamme de SUV vendus sous le blason coréen et une gamme inspirée des Jeep sous la marque Mahindra. Autant de suppositions farfelues, mais en attendant aujourd’hui le géant Indien vend des Jeep aux Etats-unis.


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