Je vous vois venir. Si je vous dis Ghia, vous pensez que je vais vour parler d’une Ford des années 80 équipée de baguettes chromées, d’un volant skaï et d’un tableau de bord en ronce de plastique. Mais bien avant que ce nom ne devienne synonyme de finition haut de gamme du constructeur américain, Ghia était un carrossier, au pays des carrossiers, l’Italie.
Brieuc nous présente sa Ghia 1500 GT
C’est en effet à Turin qu’est née la Carrozzeria Ghia SpA, en 1915. Giacinto Ghia commence par fabriquer des carrosseries destinées à la compétition. Le travail ne manque pas, la course automobile connaît des débuts en fanfare et le nombre de courses ne cesse d’augmenter. Les années passent et le savoir faire de Ghia l’amène à développer ses ateliers. La passion guide Giacinto, qui n’hésite pas à transmettre son savoir à des employés toujours plus nombreux. La guerre vient briser le bel élan des bons de commande mais l’entreprise survit. Pourtant en 1943, c’est le drame : les ateliers sont bombardés. Tout est à refaire. Néanmoins, devant l’espoir d’une issue favorable au conflit qui déchire le monde, le patron entreprend de reconstruire son entreprise. De nouveaux plans sont élaborés, la construction débute mais Giacinto n’en verra pas le bout : le 21 février 1944, il meurt d’une crise cardiaque.
La société est reprise par les employés et après guerre les études de nouveaux modèles reprennent. Ghia travaille sur plusieurs Ferrari au début des années 50 et multiplie les collaborations jusqu’à son rachat par le géant américain Ford en 1973 (après être passé entre les mains de De Tomaso, lire aussi : La Bataille Ford-Ferrari au Mans). Entre deux, Ghia aura formé Giorgetto Giugiaro et dessiné la VW Karmann Ghia, excusez du peu.
Boitier Rouge aurait pu tester cette dernière mais c’était trop facile. C’est donc dans une rutilante Ghia 1500 GT que nous vous emmenons. Une peinture “Rosso Corsa”, des feux ronds, une ligne inimitable, aucun doute il s’agit d’une F…iat ! Enfin presque. La Ghia 1500 GT n’est pas officiellement un modèle de la gamme FIAT mais elle est issue d’un châssis raccourci de FIAT C 1500. Elle possède également un moteur 1500cm3 du constructeur de Turin. Ce moteur sera d’ailleurs repris à toutes les sauces à cette époque, finissant même sur les rives de la Volga pour motoriser les premières Lada (lire aussi : Lada, Fiat et l’usine de Togliatti). En Europe ce modèle sera commercialisé sous le nom de Ghia 1500 GT mais on retrouve fréquemment ce modèle sous l’appellation Fiat 1500 GT.
Le logo Ghia (en haut) diffère de celui de Fiat (en bas)
Le modèle est équipé de suspensions indépendantes à ressorts hélicoïdaux à l’avant et de ressorts à lames montés à l’arrière. La répartition des masses est idéale avec 50% du poids sur l’avant et l’arrière. A noter que ce petit bijou a vu le jour sous le commandement de Gilberto Colombo, ingénieur Italien ayant écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire automobile transalpine. L’exemplaire du jour, c’est Brieuc, qui nous le présente. Le jeune homme est un vrai passionné. Une passion que lui a transmis son père, vrai amateur éclairé lui aussi.
J’avoue d’ailleurs que, depuis le jour où il a contacté Boitier Rouge, nous étions impatients de visiter son antre et de caresser les carrosseries des anglaises qu’il collectionne avec son père, avec plusieurs Triumph et notamment une Stag qui fera prochainement l’objet d’un essai dans BR (lire aussi: Triumph Stag), les Peugeot 304 cabriolet, les deux roues, les objets de collection, les pompes à essence, les plaques émaillées d’époque, etc… De plus ce mec très sympa a le bon goût d’être un ami de mon cousin. Le monde est petit.
Si Brieux aime sa Ghia, il aime aussi les anglaises, comme cette Triumph Stag (en haut). Pour faire honneur à son hôte, Niko était venu en Jeep Cherokee Limited série spéciale Manoir (en bas)
Vous l’aurez compris, notre nouveau copain Brieuc est passionné par tout ce qui touche à l’automobile ancienne. Il est d’ailleurs en train de retaper une maison et de réaliser le rêve de tout passionné qui se respecte : consacrer un étage pour les voitures et les objets et vivre au dessus. Mais revenons à notre essai. Ce modèle, relativement rare (seuls 846 exemplaires seraient sortis des ateliers entre 1962 et 1967), avait intrigué notre hôte un jour au Mans Classic.
Les prix pratiqués et la rareté du modèle lui laissent alors peu d’espoir de s’en procurer une. Pourtant quelques années plus tard c’est ce qui arrivera. Une 1500 GT étant en vente à quelques dizaines de kilomètres de chez lui, dans un état superbe et surtout à un prix raisonnable. L’histoire de cet exemplaire de 1964 est d’ailleurs assez particulier. Racheté par Ford pour être exposé dans un musée, il est restaurée entrièrement par la firme de Dearborn. Ce qui explique sûrement la présence de sièges qu’on devine issus d’une De Tomaso Pantera, marque présente à l’époque dans le groupe Ford (lire aussi : De Tomaso Pantera). Revendue en 2003 par Ford à l’occasion de Rétromobile, l’exemplaire trouve un nouveau papa dans la Loire. Finalement Brieuc retrouvera la trace de ce modèle à Caen en Normandie et son père s’en portera acquéreur en 2011.
La présentation générale du véhicule est vraiment de haut niveau. Peu de défauts visibles sur la carrosserie, des finitions parfaites, et pourtant il ne s’agit pas d’un exemplaire de musée ! Brieuc roule très régulièrement avec et elle démarre au quart de tour. Détail amusant, les feux arrières sont issus d’une Ferrari 250 LM. Une fois à bord, l’ambiance italienne continue, avec un tableau de bord de toute beauté et de rouge vêtu. Difficile, si on se fie au bruit, de deviner qu’il s’agit d’un modeste 1500 cm3. La sonorité est sportive et on a tout de suite envie de l’entendre rugir.Dans les enchaînements de virages que nous empruntons dans l’arrière pays Sourdin, impossible d’imaginer que ce châssis est né dans les annés 60. La Ghia n’est pas piégeuse et on peut profiter du côté jouet du bolide rouge sans arrière pensée.
Alors que nous nous arrêtons près d’un pont dans la campagne de la Manche pour faire une pause photo, nous découvrons le compartiment moteur d’une propreté incroyable. Détail amusant, gravé dans le métal du capot moteur, un numéro d’identification du modèle. Chaque Ghia était façonnée à la main et par conséquent il y a peu de chance qu’un capot issu d’un autre exemplaire puisse s’aligner parfaitement sur un autre châssis. Brieuc nous confirme qu’il vaut mieux avoir le coup d’oeil en cas de pépin de carrosserie.
En ville les regards se retournent sur les lignes de l’Italienne. De ce point de vue là, peu de chance de passer inaperçu à son volant, son physique de Ferrari y étant sûrement pour beaucoup. Les mythes ont la vie dure. Avant de rencontrer Brieuc j’avoue que je connaissais très mal Ghia. La rencontre avec ce top model rouge des années 60 se transforme en véritable coup de foudre. Au moment de rendre les clés, je me dis que la bagnole n’est pas morte. C’est d’ailleurs plutôt rare qu’un collectionneur vous tende les clés de ses voitures et vous invite à en prendre le volant. La passion et la collection des anciennes ne sont pas réservés à une élite vieillissante et la Triumph Stag garée dans la cour est là pour le prouver. Je me dois de préciser d’ailleurs que Brieuc ne se contente pas de rouler avec ses bolides mais y consacre du temps et n’hésite jamais à mettre les mains dans le cambouis pour en assurer l’entretien et les interventions. On peut se faire plaisir et rouler différemment à pas cher. Mais ça c’est une autre histoire, bientôt dans Boitier Rouge.
Texte et photos : Niko Laperruque
Merci à Brieuc pour le prêt de sa Ghia 1500 GT
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